L’Ukraine dans l’Union Européenne, la goutte de trop ?
Viktor Iouchtchenko a été officiellement élu président de l’Ukraine le 10 janvier dernier. Son premier déplacement extra muros a été à Strasbourg le 25 janvier 2005. Le lieu n’a pas été choisi au hasard vu que Iouchtchenko y a appelé les pays de l’Union à envisager plus qu’un simple partenariat économique avec l’Ukraine avant de partir le lendemain prêcher la bonne parole à son voisin polonais, chaud partisan d’une adhésion de l’Ukraine dans l’Union Européenne. Alors que le parlement européen, tout courant confondu, semble accueillir l’idée d’une adhésion la bouche en coeur (à la différence de la Turquie qui n’a sans doute pas bénéficié de l’apathie chrétienne comme pour les pays d’Europe Centrale), les gouvernements français, allemand et britanniques montrent plus de réserve, voire d’hostilité face à cette perspective.
Pourquoi un tel comportement après l’élargissement record à 10 pays de l’est en 2004?
Peut-être à cause de la «fatigue de l'élargissement»(1) qui commence à gagner les chancelleries? Ou peut-être par la perte de sens pour les peuples qui ne se reconnaissent plus dans une macro-Europe sans objectif politique autre que d’établir une zone de libre échange?
Ces explications seraient un peu trop simplistes. La crainte de la troïka européenne réside davantage dans la peur d’un affaiblissement politique au sein de l’Union au profit des Etats-Unis. En effet, les plans d’élargissement de l’OTAN sont étrangement similaires à ceux de l’Union Européenne(2).
Alors que l’organisation trans-atlantique n’a plus raison d’être depuis la chute de l’URSS, les Etats-Unis ont encouragé l’adhésion des anciens pays satellites à l’OTAN précédent de peu leur adhésion future à l’UE. Leur entrée dans l’Union Européenne a, du coup, marqué l’agonie de l’Europe « européenne » comme la souhaitait le Général De Gaulle (3). La guerre en Irak en est un triste exemple avec les pays de l'est qui se sont immédiatement alignés au diapason de Washington, provoquant des frictions avec le reste de l'Union, notamment entre la France et la Pologne. Dès lors, il n’est pas étonnant de voir Iouchtchenko sous entendre la future adhésion de l’Ukraine à l’OTAN avec la bénédiction de Washington, fervent soutien de la « révolution orange », un peu comme si cela constituait un préambule à une adhésion prochaine dans l’Union.
Mais tout d’abord, l’Ukraine, en tant que nation, est-elle prête à entrer dans l’Europe ?
La crise politique qui a secoué Kiev puis tout le pays a mis en lumière une Ukraine divisée entre deux aspirations : l’Europe et la Russie. Même si la partie russophone du pays n’a pas défendu son poulain, Iakounovitch, trop entaché par le scandale flagrant des élections, cela ne signifie en aucun cas qu’elle est acquise à la cause de Iouchtchenko, bien au contraire. Des réformes à marche forcée pour entrer dans les critères européen d’adhésion pourrait mettre le feu à ces régions déjà marqué par la crise du secteur minier. Mal maîtrisé, cela pourrait déboucher sur une partition du pays comme la connue l’ex-Tchécoslovaquie ou à une intervention plus ou moins directe de la Russie afin d'assurer le protectorat de la "zone slave".
Car c’est là que réside, à mon sens, la véritable inquiétude de l’Europe.
La Russie se trouve dans une situation de dépendance économique forte face à son exportation énergétique (essentiellement gaz et pétrole) qui représente 10% de son PIB et 38% des recettes fiscales en 2002 (4).
Or, que voyons-nous en Ukraine ? L’oléoduc Drovjba qui relie la Russie à l’Europe!
En 2003, un projet d’extension de cet oléoduc a été retenu par la Russie afin de desservir le Japon et la Chine, véritable ogre énergétique. Devant l’instabilité en Tchétchénie et au Daghestan (plastiquage du pipeline Bakou-Novorossisk en 1999), le tracé Drovjba est un axe primordial dans la stratégique énergétique russe. Normal dès lors que ces derniers voient d’un mauvais œil l’installation de base de l’OTAN à proximité et la perte de contrôle sur l’exécutif ukrainien.
L’Europe dépend largement de l’énergie russe (25% du gaz importé en France est russe) et voit sans doute aussi d’un mauvais œil l’isolement de la Russie sur l’échiquier européen au profit de l’influence américaine.
L’Ukraine constitue donc une sorte de boite de pandore qui risque d’inféoder l’Union Européenne et la Russie à l’influence de l’OTAN, organe militaire fantoche au service de la puissance américaine qui ne cherche qu’à assurer ses débouchés économiques et son approvisionnement énergétique qui passera de 30 à 70% en 2015.
Pourquoi un tel comportement après l’élargissement record à 10 pays de l’est en 2004?
Peut-être à cause de la «fatigue de l'élargissement»(1) qui commence à gagner les chancelleries? Ou peut-être par la perte de sens pour les peuples qui ne se reconnaissent plus dans une macro-Europe sans objectif politique autre que d’établir une zone de libre échange?
Ces explications seraient un peu trop simplistes. La crainte de la troïka européenne réside davantage dans la peur d’un affaiblissement politique au sein de l’Union au profit des Etats-Unis. En effet, les plans d’élargissement de l’OTAN sont étrangement similaires à ceux de l’Union Européenne(2).
Alors que l’organisation trans-atlantique n’a plus raison d’être depuis la chute de l’URSS, les Etats-Unis ont encouragé l’adhésion des anciens pays satellites à l’OTAN précédent de peu leur adhésion future à l’UE. Leur entrée dans l’Union Européenne a, du coup, marqué l’agonie de l’Europe « européenne » comme la souhaitait le Général De Gaulle (3). La guerre en Irak en est un triste exemple avec les pays de l'est qui se sont immédiatement alignés au diapason de Washington, provoquant des frictions avec le reste de l'Union, notamment entre la France et la Pologne. Dès lors, il n’est pas étonnant de voir Iouchtchenko sous entendre la future adhésion de l’Ukraine à l’OTAN avec la bénédiction de Washington, fervent soutien de la « révolution orange », un peu comme si cela constituait un préambule à une adhésion prochaine dans l’Union.
Mais tout d’abord, l’Ukraine, en tant que nation, est-elle prête à entrer dans l’Europe ?
La crise politique qui a secoué Kiev puis tout le pays a mis en lumière une Ukraine divisée entre deux aspirations : l’Europe et la Russie. Même si la partie russophone du pays n’a pas défendu son poulain, Iakounovitch, trop entaché par le scandale flagrant des élections, cela ne signifie en aucun cas qu’elle est acquise à la cause de Iouchtchenko, bien au contraire. Des réformes à marche forcée pour entrer dans les critères européen d’adhésion pourrait mettre le feu à ces régions déjà marqué par la crise du secteur minier. Mal maîtrisé, cela pourrait déboucher sur une partition du pays comme la connue l’ex-Tchécoslovaquie ou à une intervention plus ou moins directe de la Russie afin d'assurer le protectorat de la "zone slave".
Car c’est là que réside, à mon sens, la véritable inquiétude de l’Europe.
La Russie se trouve dans une situation de dépendance économique forte face à son exportation énergétique (essentiellement gaz et pétrole) qui représente 10% de son PIB et 38% des recettes fiscales en 2002 (4).
Or, que voyons-nous en Ukraine ? L’oléoduc Drovjba qui relie la Russie à l’Europe!
En 2003, un projet d’extension de cet oléoduc a été retenu par la Russie afin de desservir le Japon et la Chine, véritable ogre énergétique. Devant l’instabilité en Tchétchénie et au Daghestan (plastiquage du pipeline Bakou-Novorossisk en 1999), le tracé Drovjba est un axe primordial dans la stratégique énergétique russe. Normal dès lors que ces derniers voient d’un mauvais œil l’installation de base de l’OTAN à proximité et la perte de contrôle sur l’exécutif ukrainien.
L’Europe dépend largement de l’énergie russe (25% du gaz importé en France est russe) et voit sans doute aussi d’un mauvais œil l’isolement de la Russie sur l’échiquier européen au profit de l’influence américaine.
L’Ukraine constitue donc une sorte de boite de pandore qui risque d’inféoder l’Union Européenne et la Russie à l’influence de l’OTAN, organe militaire fantoche au service de la puissance américaine qui ne cherche qu’à assurer ses débouchés économiques et son approvisionnement énergétique qui passera de 30 à 70% en 2015.
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(1)Alexandrine Bouilhet, "Iouchtchenko frappe à la porte de l'Europe", Figaro, 26 janvier 2005
(2)Bernard Cassen, "Une Europe de moins en moins européenne, Le Monde Diplomatique", Janvier 2005
(3)« Moi, je veux l’Europe pour qu’elle soit européenne, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas américaine » De Gaulle.
(4) Rapport du Sénat
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